En droit, il est de la responsabilité du propriétaire des arbres riverains des réseaux d'assurer l'élagage. En pratique, et particulièrement en campagne, quand la route chemine à travers bois ou est bordée de haies vives, cette obligation est peu respectée.
L'arsenal législatif, construit par étapes, est complexe. Pas moins de quatre codes contiennent des articles législatifs ou réglementaires qui définissent les droits et devoirs de chacun des acteurs le CPCE principalement, mais aussi le Code général des collectivités territoriales, le Code de la voirie routière et le Code rural et de la pêche maritime.
Depuis la privatisation de France Télécom qui a entraîné l'abrogation de dispositions qui découlaient de privilèges de la puissance publique, cet opérateur n'a plus sa position d'occupant de droit du domaine public et ne peut plus agir en tant que l'Etat et élaguer d'office. Ses droits et obligations sont les mêmes que ceux de ses concurrents qui doivent tous s'en remettre à la bonne volonté des riverains, même les opérateurs qui agissent pour le compte des collectivités porteuses de réseaux d'initiative publique.
Plusieurs lois ont modifié les articles du Code des Postes et des Communications Electroniques (CPCE) qui traitent de la question de l'élagage et de son corollaire indispensable, le droit d'accès sur les propriétés privées.
L'article 35 du CPCE : l'entretien des réseaux et de leurs abords est d'utilité publique
Réseau aérien le long d'une route 2x2 voies
La loi pour une République Numérique a ajouté l'alinéa suivant dans l'article 35 du CPCE :
En vue de garantir la permanence, la qualité et la disponibilité des réseaux et du service, l'entretien des réseaux assurant des services fixes de communications électroniques ouverts ou public et de leurs abords est d'utilité publique.
L'entretien des réseaux assurant des services fixes de communications électroniques ouverts au public est qualifié d'utilité publique de sorte que le propriétaire est tenu de procéder aux opérations d'entretien telles que l'élagage, l'abattage, etc.
Ajouter abords» aux obligations d'entretien était indispensable car ce sont les abords non entretenus qui dégradent l'état du réseau. Seul l'opérateur est en mesure d'entretenir son réseau, supports ou câbles. La puissance publique dispose dès lors d'un pouvoir de coercition sur le citoyen pour obtenir de lui qu'il mène les actions d'élagage ou bien, à défaut, que ces actions soient accomplies par d'autres mais qu'il en supporte les coûts.
Pour aller plus loin, dans l'objectif que soient maintenus en bon état les réseaux aériens existants, la même loi a modifié, complété ou créé les articles L.47, L.48 et L.51 du même code. De plus, en 2018, la loi ELAN, a permis, en modifiant et complétant l'article L.51, que les dispositions prévues par ces articles bénéficient aux réseaux qui doivent être déployés, qualifiés dans le texte de «projetés» avec une attention particulière accordées aux Réseaux d'initiative publique (RIP).
Invitation au partage des infrastructures
L'article 47 du CPCE aborde le principe de la mutualisation des infrastructures en formulant l'invitation au partage des installations existantes. Une des conséquences concrètes de cette invitation est que les nouveaux réseaux FttH peuvent être déployés sur les poteaux téléphoniques ou électriques, dont certains portent déjà le réseau cuivre.
C'est pourquoi l'article précise que «/e propriétaire des installations accueillant l'opérateur autorisé assume [--] l'entretien des infrastructures et des équipements, y compris leurs abords».
Cela signifie donc que lorsqu'un opérateur déploie son réseau en fibres optiques sur les poteaux téléphoniques d'Orange, ce dernier doit veiller à ce que l'élagage nécessaire soit effectué. Mais un accord entre les parties peut en décider autrement. Ainsi, dans l'offre d'Orange régulée dite GC-BLO, qui définit les conditions d'accès aux poteaux téléphoniques, il est prévu que l'opérateur qui sollicite l'utilisation desdits poteaux fasse son affaire de l'élagage préalable à la pose de ses câbles.
1 ln Annexe D3 règles d'ingénierie des Appuis Aériens d'Orange 45.1 et Annexe D4 cahier des charges applicable dans le cadre des offres d'Accès aux Installations Aériennes d'Orange 46.2.1
La loi pour une République numérique a introduit dans cet article la notion des abords des réseaux qui doivent faire l'objet d'une attention aussi importante que les réseaux eux-mêmes, et insiste désormais sur la nécessité d'entretenir ces abords.
Câble de raccordement d'abonnés en zone rurale pris dons les arbres
Les situations rencontrées
Quatre situations se présentent selon que le réseau aérien est implanté dans le domaine public ou dans une propriété privée et que la végétation qui menace ce réseau est plantée en terrain public ou privé.
Réseau en domaine public, végétation en domaine privé
O Cerema |
... en zone pavillonnaire
C'est la situation la plus couramment rencontrée : elle concerne des milliers de kilomètres de réseau.
L'article 47 définit les conditions d'occupation du domaine public
Cet article traite des questions d'occupation du domaine public, et partant, des autorisations nécessaires délivrées par le gestionnaire du domaine (Etat, Département, commune) au pétitionnaire via des permissions de voirie accordées sous conditions. Il dispose que :
L'occupation du domaine routier fait l'objet d'une permission de voirie, délivrée par l'autorité compétente ...[laquelle] doit prendre toutes dispositions utiles pour permettre l'accomplissement de l'obligation d'assurer le service universel des communications électroniques.
L'article L.51 procédures d'escalade pour l'élagage
La rédaction de l'article L.51 est entièrement consacrée à expliciter les rôles respectifs des propriétaires des terrains avoisinant les réseaux, des opérateurs de ces réseaux et du maire de la commune concernée. Il s'appuie sur les articles L.47 et L.48 du même code.
L.51 Titre I : le riverain prend l'initiative
Élagage en ville d'arbres en propriété privée
Pour commencer, l'article pose le principe que «les opérations d'entretien des abords d'un réseau ouvert au public [---] sont accomplies par le propriétaire du terrain [---]. A cette fin, l'exploitant du réseau ouvert au public est tenu de proposer ou propriétaire du terrain, [---] l'établissement d'une convention».
Conséquences en pratique
On est donc ici dans le cas où le propriétaire, conformément à la loi, procède à l'entretien de ses plantations aux abords du réseau.
A propos des conventions, les installateurs qui ont commencé à déployer des réseaux en aérien, et spécifiquement les RIP en zone rurale, témoignent de la lourdeur administrative que le strict respect de cette disposition entraînerait à l'échelle d'un département.
L.51 Titre I (suite)
Le corps de ce premier paragraphe contient des précisions :
«que la propriété soit riveraine ou non du domaine public,».
Ce complément inséré par la loi ELAN concerne le cas le plus fréquemment rencontré le long des routes . celui de poteaux téléphoniques plantés sur le domaine public routier, sur les accotements de la route, les arbres étant sur les propriétés privés, haie ou bosquet, comme le montre la photographie de la page 6.
L.51 Titre I (suite 2 ) : le riverain est défaillant
Un soutien inattendu
Le législateur a prévu que le riverain n'accomplisse pas son devoir d'entretien. C'est pourquoi l'article poursuit en ces termes :
«Par dérogation au premier alinéa du présent l, ces opérations sont accomplies par l'exploitant du réseau dans deux cas précisés :
- 0 Le propriétaire du terrain n'est pas identifié
- 0 Lorsque l'exploitant et le propriétaire du terrain [---] en sont convenus ainsi par convention, notamment lorsque les coûts exposés par ces opérations sont particulièrement élevés pour ces derniers ou lorsque la réalisation de ces opérations présente des difficultés techniques ou pratiques de nature à porter atteinte à la sécurité ou à l'intégrité des réseaux.
Commentaires :
On note les trois cas pour lesquels l'exploitant du réseau peut prendre l'initiative (propriétaire non identifié, coûts excessifs, difficultés techniques) et accepte d'en supporter le coût.
L.51 Titre Il : l'exploitant du réseau prend l'initiative
Ce titre traite du cas où l'exploitant du réseau menacé par la végétation prend l'initiative.
Si le propriétaire est «défaillant», c'est-à-dire qu'il ne procède pas à l'élagage même après y avoir été invité par l'opérateur et par le maire au titre de son pouvoir de police, l'opérateur peut, après avoir notifié son intention d'intervenir au propriétaire et au maire de la commune concernée, procéder lui-même à l'élagage aux frais du propriétaire.
Commentaire :
En toute rigueur, il pourrait exister un risque juridique, le riverain pouvant plaider l'atteinte à la propriété privée si un arbre lui appartenant a été élagué sans son consentement. Actuellement, seul ENEDIS est en mesure de réaliser de telles opérations.
L.51 Titre II (suite)
Le titre Il rappelle pour finir que le huitième alinéa de l'article L.48 du CPCE fixe les conditions dans lesquelles les agents intervenant pour le compte de l'opérateur peuvent pénétrer sur la parcelle privée en cause. Ces conditions sont celles-ci :
Lorsque, pour l'étude, la réalisation, /@xp/oitation et l'entretien des installations ou pour les opérations d'entretien mentionnées au premier alinéa, l'introduction des agents des exploitants autorisés dons les propriétés privées définies ou même alinéa est nécessaire, elle est, à défaut d'accord amiable ou de convention conclue entre le propriétaire et l'exploitant, autorisée par le président du tribunal de gronde instance, statuant comme en matière de référé, qui s'assure que la présence des agents est nécessaire.
9è alinéa du L.48 du CPCE •
Le bénéficiaire de la servitude est responsable de tous les dommages qui trouvent leur origine dans les équipements du réseau. Il est tenu d'indemniser l'ensemble des préjudices directs et certains COUSéS tant par les travaux d'installation et d'entretien que par l'existence ou le fonctionnement des ouvrages. A défaut d'accord amiable, l'indemnité est fixée par la juridiction de /@xpropriation saisie par la partie la plus diligente.
L.51 Titre III : le maire prend l'initiative
Le maire fait élaguer ses platanes, ce riverain néglige d'élaguer son sapin
Le III de cet article L.51 traite d'une situation dans laquelle à la fois le propriétaire riverain et l'exploitant du réseau sont défaillants, en ce que ce dernier n'a pas exigé ou obtenu du riverain qu'il élague. Au titre de la préservation de l'intérêt général, le maire peut prendre l'initiative.
Le titre III commence par un rappel («sans préjudice de» ...) des dispositions légales et réglementaires concernant les problématiques d'élagage pour la circulation des usagers pour traiter ensuite du cas spécifique des réseaux de communications électroniques.Dans un premier temps, après des démarches amiables, le maire peut mettre en demeure le propriétaire d'élaguer ses végétaux et informe l'opérateur de sa démarche. Sans réaction du propriétaire au bout de quinze jours, le maire peut notifier la carence du propriétaire à l'exploitant du réseau et demande à ce dernier de procéder à l'élagage, comme indiqué ci-dessus, au Il du L.51.A la toute fin, si même l'exploitant n'intervient pas, le maire peut faire réaliser l'élagage aux frais de l'exploitant «dans le respect des règles régissant les interventions des exploitants».
L.51 Titre IV : cas des réseaux d'initiative publique
Le IV de cet article L.51 traite des RIP déjà installés ou qui doivent l'être sur des appuis communs, électricité et téléphone. Il dispose que c'est l'exploitant du réseau accueillant qui assume tout ce qui est dit sur l'exploitant au I et au Il.
Lorsqu'un réseau d'initiative publique est projeté ou déployé sur des infrastructures d'accueil partagées avec un autre réseau ouvert au public, l'application des dispositions prévues aux I et Il du présent article incombe l'exploitant du premier réseau établi, sauf si les opérateurs concernés en conviennent autrement.
Précisément, dans l'offre régulée d'Orange dite <<GCBLO», les opérateurs en conviennent autrement. L'opérateur accueilli sur les appuis de l'opérateur historique se charge des opérations nécessaires à ses travaux, dont l'élagage. Au terme du déploiement, l'opérateur accueillant le réseau construit garantit l'entretien des abords du réseau, sauf accord contraire entre les parties.
ENEDIS veille à l'élagage le long de ses lignes et les lignes cuivres téléphoniques en bénéficient généralement.
Qu'il s'agisse de préserver le réseau existant ou d'en déployer un nouveau (apport de la loi ELAN), si l'exploitant du réseau accueillant n'agit pas, l'opérateur de RIP peut demander au maire d'appliquer les dispositions prévues au titre Ill.
Réseau en domaine public, végétation en domaine public
Cette situation est moins fréquente mais se rencontre en ville ou le long des routes plantées d'arbres d'alignement.
En campagne En ville
L'article 47 : conditions d'occupation du domaine public
Cet article traite des questions d'occupation du domaine public, et partant, des autorisations nécessaires délivrées par le gestionnaire du domaine (Etat, Département, commune) au pétitionnaire via des permissions de voirie accordées sous conditions. Il dispose que :
L'occupation du domaine routier fait l'objet d'une permission de voirie, délivrée par l'autorité compétente [laquelle] doit prendre toutes dispositions Utiles pour permettre l'accomplissement de l'obligation d'assurer le service universel des communications électroniques.
Les dispositions de l'article 51 prévoient ce cas en son titre 1 :
« Sur le domaine public, les modalités de réalisation des coupes sont définies par la convention prévue au premier alinéa de l'article L. 46 ou par la permission de voirie prévue ou troisième alinéa de l'article L. 47.»
L.46 traitant du domaine public non routier, le L.47 du domaine public routier.
Dans ce cas, l'autorité compétente et l'opérateur se sont déjà entendus sur la marche à suivre pour préserver les réseaux aériens déployés.
Réseau en domaine privé, végétation en domaine privé
Cette situation est peu fréquente.
L'article L.48 : d'indispensables servitudes
Cet article traite en détail des servitudes dont bénéficient les exploitants de réseaux ouverts au public sur les domaines publics routiers et sur les propriétés privées, dont le principe est posé dans l'article L .45-9.
On y retrouve aussi mot pour mot la partie de l'article L.47 relative à l'invitation au partage dont il découle que l'opérateur qui accueille le nouveau réseau doit assumer l'entretien de ses infrastructures et de leurs abords.
La loi pour une République numérique permet que ces servitudes soient étendues aux opérations d'entretien des réseaux eux-mêmes et de leurs abords.
Le bénéfice des dispositions de cet article est étendu aux réseaux «projetés», disposition qui vise clairement les réseaux FttH à venir.
Lorsque, pour l'étude, la réalisation, l'exploitation et l'entretien des installations ou pour les opérations d'entretien mentionnées ou premier alinéa [NDLR : élagage et débroussaillage], l'introduction des agents des exploitants autorisés dans les propriétés privées définies ou même alinéa est nécessaire, elle est, à défaut défaut'occord amiable ou de convention conclue entre le propriétaire et l'exploitant, autorisée par le président du tribunal de grande instance, statuant comme en matière de référé, qui s'assure que la présence des agents est nécessaire.
Conséquences en pratique :
Ainsi modifié, l'article L.48 ouvre les possibilités prévues dans l'article L.51. Il permet aux exploitants de réseaux de pénétrer dans les propriétés privées pour procéder aux opérations d'entretien des abords de leurs réseaux sauf opposition du propriétaire. En cas d'opposition, l'accord du juge est nécessaire.
De plus, il donne aux opérateurs d'infrastructures les moyens d'intervention nécessaires au déploiement des réseaux FttH qui vont être construits dans les prochaines années, les premiers chantiers de déploiement en aérien ayant dû faire face à des difficultés engendrées par des défauts d'élagage.
Cette convention définit notamment qui du propriétaire ou de l'opérateur à la charge de l'entretien des abords du réseau. Elle ne doit pas être confondue avec la desserte des abonnés qui peut traverser parfois plusieurs propriétés privées qui relève de l'article D407-2 dl-l CPCE.
Les dispositions de l'article 51 prévoient ce cas en son titre 1 •
«Les opérations d'entretien des abords d'un réseau [--
--1 sont accomplies par le propriétaire du terrain [---]
«que le réseau soit implanté sur la propriété ou non»
En effet, on trouve aussi parfois des poteaux implantés dans le domaine public et qui portent des câbles qui surplombent des propriétés privées, par exemple dans des carrefours en angle droit comme sur la photo ciaprès.
Autre situation de surplomb du domaine privé, les poteaux étant dans le domaine public. Le câble passe derrière la haie
Réseau en domaine privé, végétation en domaine public
Dans ce cas relativement rare, si les arbres plantés sur le domaine public menacent le réseau en venant surplomber la propriété privée dans laquelle il est implanté, le riverain doit écrire au maire pour lui demander d'élaguer les arbres de la collectivité. Il peut s'appuyer sur l'article L.65 du CPCE qui dispose :
Le fait de déplacer, détériorer, dégrader de quelque manière que ce soit, une installation d'un réseau ouvert ou public ou de compromettre le fonctionnement d'un tel réseau est puni d'une amende de 1 500 euros.
Il peut aussi invoquer l'article 544 du code civil qui définit en droit la notion de propriété. « Lo propriété est le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue, [-].»